Aelle



AELLE, OU « LA TERRE MERE » .

Virgo, la Vierge, signe de terre, signe d’Aelle. Vierge, pourtant, la terre est créatrice. Fertile. La première sculpture d’Aelle que j’ai acquise représentait justement l’une de ces vierges, si sage en apparence, à la longue et lourde tresse, à la patine de fer, de terre, et au ventre rebondi, enceinte, et sur ce ventre se concentre encore toute la lumière de l’oeuvre. Celle d’une femme, indubitablement, car la sculpture d’Aelle porte en elle toute la quintessence de la féminité, de sa force très particulière. Celle de la terre et d’un sexe qui l’apprivoisa en domestiquant les plantes sauvages il y a des millénaires. Car la terre et les femmes entretiennent depuis les origines une relation d’intimité et l’oeuvre d’Aelle est au centre de cette intimité.

Au premier regard, au premier toucher, à la première caresse, ses terres et ses bronzes évoquent tout à la fois la Pachamama des Andes, la Terre- Mère, si souvent transmuée en vierge latine, mais aussi le vertige des sens d’un après-midi au hammam, ou l’animalité d’un loup. La sensualité avec laquelle Aelle met en scène la virilité est encore incarnée par la force de sa féminité. Et c’est bien d’elle que jaillit comme en une naissance le corps élancé de l’homme. Entre ses mains, il trouve enfin sa place juste dans le ballet des genres, ballet amoureux mais aussi métaphysique.

En prise avec la terre, et pas seulement avec celle que ses mains pétrissent, ni celle de son signe ou de son sexe, mais plus largement, aux aguets, depuis son promontoire aubracien, des forces telluriques. Vigie dans l’attente des premiers flocons, des bourrasques de la tourmente qui bouscule les arbres, d’une lumière de couchant, du parfum automnal des champignons, de l’insolente fragrance d’une truffe ou du parfum musqué d’un flacon ou d’une bouteille de vin, ce sont les sens qui abreuvent son oeuvre et guident ses mains nourries de la patine d’une divinité indienne ou de la courbe du bois usé d’un outil ancillaire venu du fin fond du Maroc.

La fabrique d’Aelle est là, dans, et sur terre, profondément humaniste, puisque c’est de l’Humanité qu’elle traite, et de ses racines les plus profondément ancrées, dont, un peu sorcière, elle sait les arcanes. Vierge sage et Vierge folle tout à la fois…

Patrick Bard .

Photojournaliste, écrivain.
Paris, décembre 2010

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Philippe RIVIALE, Août 2013

Les bronzes d’AELLE n’appartiennent pas à la civilisation; encore moins évoquent-ils une civilisation; ils sont l’expression de l’énergie dont ils sont issus. C’est, on le voit, une énergie songeuse; mieux, une énergie du songe, une forme poétique du beau rêvé, jamais contemplé, mais présent à l’imaginaire.

Si le beau se vêt de la féminité, ce n’est pas arbitraire, ni même intentionnel; le beau ne se laisse deviner que dans son incarnation de beauté. La beauté, die Schönheit, est un éternel appel; non que la femme en ait le privilège, mais en ce qu’elle en sait davantage. Nous pouvons demander aux mythes anciens (car les nôtres sont déchus), sinon une explication, qu’ils nous refusent, du moins une évocation; car si AELLE ne se réfère pas au monde de la civilisation, les mythes ne le font pas plus; elle et eux rapportent, de la profondeur où nous ne savons pas aller, des éclats. La première figure qui me vient à l’idée est Antigone, qui refusa la loi des hommes et, affligée de son propre sort, le préféra pourtant à la trahison. Qu’elle fût fille d’Oedipe n’importe que pour autant que le secret se transmette. Il n’en est rien pourtant. Si Antigone fut tourmentée, c’est de savoir mieux, de connaître la douleur tragique du secret, d’être prête à en mourir.

Puis vient Sapho de Mytilène, cheveux noirs, pure et au doux sourire, qui écrivit des Paroles ailées et mourut au Saut de Leucade. L’amour, pour elle? « Je le vis : je rougis, je pâlis à sa vue; Un trouble s'éleva dans mon âme éperdue; Mes yeux ne voyaient plus, je ne pouvais parler. Je sentis tout mon corps et transir et brûler. Eros a ébranlé mon âme, comme le vent de la montagne qui s'abat sur les chênes. »

Pourquoi le bronze d’AELLE rayonne-t-il, de sa lumière propre? Ce n’est pas sa surface, malgré l’apparence, qui compte; c’est la chair, et cette chair, instantanément durcie par le feu, n’a rien perdu de sa tendresse, de son frémissement. Le bronze éternel enferme la vie perdue, la vie non vécue; il irradie de cette vie, qui veut advenir, et que nous, civilisés, ne comprenons pas, par crainte et bassesse. Tel est le langage du bronze d’AELLE: Ne craignez pas; la vie n’est qu’en vous; je vous tends le miroir, pour la contempler.

Philippe RIVIALE,

Philosophe.
Paris, août 2013.

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Interview Groupama

 Interview Groupama, Decembre 2013

D'où vous vient votre vocation pour la sculpture ?

AELLE: J’ai commencé par la peinture, que j’ai étudiée plusieurs années aux ateliers du Carrousel du Louvre.... Et puis un jour, en vacances, une amie qui faisait « de la terre » m’a proposé un pain d’argile. Ma soeur, qui était là aussi, m’a servi de modèle et je me suis lancée.

Aussitôt, j’ai eu l'impression que « je savais », ce qui, bien évidemment, était faux!

Mais la passion est née là, une après-midi ensoleillée d‘été, les mains dans la terre.

Ensuite tout s'est enchaîné naturellement ; j‘étais sur ma voie. Je suis persuadée que le monde vous envoie des signes qu'il ne reste plus qu‘à suivre. Lire l'interview complète (.pdf 4,4Mo).

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